L'IMAGINAIRE DU VAGUE ASPHALTÉ
Les vestiges du stationnement
Léanne Bolduc
L’imaginaire du terrain vague asphalté
Et si on laissait le stationnement devenir l’art de la ville?
Le manifeste
Superficie inutilisée, disponibilité ou encore opportunité, le stationnement est rapidement convoité. Quelle est la future identité de ce dernier, une fois dissociée de ses attentes de productivité économique?
Le terrain vague est un lieu en milieu urbain qui est sans usage, en attente de développement ou à l’abandon. La combinaison des termes terrain et vague réfère à une entité qui est à la fois physiquement délimitée et dont l’usage est indéterminé. Dans ce sens, le projet manifeste remet en question la logique développement immobilier du lot vacant en ville en proposant sa revalorisation par un dispositif architectural ni technologique, ni didactique mais tout simplement disponible à l’appropriation du vivant soient l’humain, la faune et la flore.
Le site
En plein cœur du quartier de Longue-Pointe dans l’Est de Montréal, l’intervention évolue dans un univers fictif qui ramène le site à son excavation. Le projet s’insère donc entre la démolition du stationnement et l’érection d’une construction résidentielle sur celui-ci. Ce narratif temporel où aucun usage occupe le sol permet d’envisager sa transition progressive vers une œuvre collective. Lors du chantier, les interventions arbitraires de la machinerie dévoilent les entrailles du terrain et ses vestiges. Autrefois recouverts d’asphalte, ils sont maintenant exposés et disposés de manière archéologique à travers l’espace. La colline de pierres, le muret de béton et la topographie accidentée agissent à titre d’éléments qui inspirent son aménagement et deviennent des tableaux interactifs pour la communauté artistique.
L’intervention
Dans une optique de revalorisation de la matière, le sol minéral soustrait lors de l’excavation est recyclé et revalorisé afin de générer des murs de soutènement et des escaliers en gabions. Cette méthode de construction utilise des cages de fils d’acier qui sont ensuite remplies avec les pierres et l’asphalte concassés du stationnement. En contraste avec la massivité du site, l’architecture exprime un langage filigrane qui altère au minimum la surface rocailleuse. Le bâtiment se place humblement au deuxième plan afin de laisser le cycle naturel reprendre tranquillement sa place et créer une sculpture évolutive. Situé au flanc de la colline, la proposition ne possède pas d’usage précis, à l’exception d’offrir un refuge contre les intempéries et constituer un vecteur d’échanges sociaux. Son enveloppe composée de murs rideaux permet une transparence vers l’environnement immédiat et une connexion avec ce dernier. Délicatement déposées, les passerelles et rampes en caillebotis invitent les utilisateurs à déambuler à travers les multiples niveaux et le bâtiment tout en contemplant les composantes insolites de cet environnement rocailleux. La porosité du matériau permet ainsi à la flore de pousser au travers des installations. En contre-proposition à la privatisation du site, le projet redonne le lieu au public et le fait dialoguer avec ses contraintes physiques atypiques. Au fil des années, la métamorphose organique du terrain vague altère son aspect physique initial. En considérant une chronologie qui s’étend sur cinquante ans, le sol auparavant tapissé de roches et de sable fait place à des herbes hautes et des arbrisseaux. À son état final, le vivant se réapproprie la réserve urbaine de manière symbiotique en recréant une biodiversité qui offre une nouvelle lecture du paysage en ville.