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LE BOISÉ DE LA BIENVEILLANCE 

MELISSA SIMARD

Depuis quelques années, il est difficile de se loger à Montréal, où le taux d’inoccupation a atteint son niveau le plus bas depuis plus de 15 ans. La hausse des prix des loyers retarde l’accès à la propriété et réduit l’offre de logements pour les personnes à faible revenu. Devant l’absence d’alternatives faisant face à ces circonstances, il n’est pas surprenant que plusieurs se retrouvent contraints à vivre dans la rue.

 

La transition de l’itinérance vers un logement permanent et traditionnel ne convient pas à toute situation, ni à chaque individu. Qui sommes-nous pour décider que tous doivent vivre dans un logement ou passer leurs nuits dans des refuges ? La trajectoire de chacun est différente et un long travail est nécessaire pour passer de la rue au logement. Avant toute chose, questionnons-nous sur l’identité des gens qui habitent réellement la ville. Comment considérer les populations marginalisées dans un processus intégré de conception inclusive de la ville ?

 

L’aménagement se trouve au cœur des réflexions, puisqu’il ne peut exister de réelle cohabitation sans avoir réfléchi à l’aménagement. Il est possible de réduire les conflits en rapport au partage de l’espace public et au droit à la ville grâce à de bonnes interventions.

 

On doit considérer des trajectoires différentes et plus audacieuses, comme la pérennisation des utilisations plus informelles du territoire, qui mettent la communauté de l’avant. Alors que certains sont convaincus que la solution à l’itinérance se trouve dans le logement, devrions-nous plutôt nous pencher sur le rôle de la communauté et son importance dans le processus de réintégration d’une personne en situation d’itinérance. Alors que la solution se trouve en partie dans le logement permanent, les espaces non permanents sont également nécessaires, puisque cette éphémérité répond aussi à des besoins. Le boisé de la bienveillance diversifie l’offre en répondant aux besoins de l’éphémérité en proposant des abris informels et temporaires qui répondent aux besoins immédiats de personnes en situation d’itinérance chronique ou situationnelle. Ces propositions représentent un morceau manquant du contexte montréalais, une solution résiliente qui a le pouvoir d’évoluer dans le temps. Dans ce sens, le projet mutualisé au cœur de la bienveillance se veut une zone de tolérance et le boisé sert à faire le pont vers la prochaine étape dans la trajectoire de chacun.

 

L’implantation sensible du projet dans le boisé se fait en conservant l’intégrité organique de ce dernier, tout en favorisant le bien-être de la population itinérante résidente à l’aide d’installations bonifiant leur qualité de vie. Ces installations sont constituées d’un réseau d’abris interconnectés grâce à une passerelle surélevée qui s’inspire des sentiers organiques existants. Cette dernière crée une opportunité de promenade dans le boisé et mène aux différents abris, mis à la disposition de la population itinérante, une population en mouvement, qui peut s’y installer librement, temporairement ou à long terme, selon leurs besoins. Les abris s’élèvent par rapport niveau du sol pour créer un détachement avec la réalité physique et sociale des gens en situation d’itinérance, afin de tenter de changer la façon dont ils se perçoivent au sein de la société. Le réseau d’abris s’inscrit dans un site transformé en pôle d’aide aux personnes en situation d’itinérance. Il se trouve à proximité d’un centre d’aide géré par un organisme à but non lucratif qui offre des services spécialisés, tel que des services alimentaires, de l’aide à l’emploi et même des services d’aide matérielle, de collecte de dons et d’aide au logement. 

 

Il est temps de renouveler la pratique de l’architecture contemporaine en recherchant des solutions résilientes aux problématiques et aux enjeux auxquels notre société fait face. La prise en considération de valeurs d’humanité, d’entraide et de tolérance devient plus nécessaire que jamais afin d’arriver à une justice sociale et à un développement inclusif de notre environnement. Y a-t-il place à l’exploration de solutions alternatives innovantes et sensibles aux plus vulnérables, à commencer par les personnes en situation d’itinérance ?

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