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Ô’QUAI de Rigaud

La cohésion sociale vers une souveraineté alimentaire

Basma Bouhout

Augmentation des aléas naturels et insécurité alimentaire

En 2017 et 2019, Rigaud fait partie des nombreuses villes québécoises touchées par de fortes inondations. En 2020, la crise sanitaire n’a pas épargné ses habitants, qui sont toujours en plein processus de rétablissement. Les personnes affectées ont reçu de l’aide alimentaire et ont été hébergées pour une durée limitée. À travers le projet d’architecture, on adresse l’avenir de l’industrie agro-alimentaire de Rigaud en s’intéressant spécifiquement à l’enjeu d’insécurité alimentaire, qui se fait de plus en plus criant par l’augmentation des aléas naturels. En effet, 50% d’occupation des sols de Rigaud sont des terres agricoles. Cela n’empêche pas qu’une partie non négligeable de sa population vit présentement de l’insécurité alimentaire. À l’échelle du Canada, 1,2 million de ménages sur 14,3 millions vivent une situation d’insécurité et d’injustice alimentaire. Les inondations et la crise sanitaire ont davantage creusé le fossé des inégalités sociales, affectant les ménages les plus démunis. Ces événements dûs aux changements climatiques nous permettent de mettre en lumière les vulnérabilités systémiques et sociales pour ainsi les transformer en occasions d’améliorer le sort de nos communautés.

 

Comment l’industrie agro-alimentaire est-elle responsable des changements climatiques?

À l’échelle mondiale, on constate que les changements climatiques contribuent à l’insécurité alimentaire. Se nourrir sainement devient de plus en plus dispendieux et donc difficilement accessible pour les ménages vivant sous le seuil de la pauvreté, soit 18 % de la population de Rigaud. Paradoxalement, l’industrie agro-alimentaire est en grande partie responsable des changements climatiques. L'industrie agro-alimentaire et l’agriculture industrielle insoutenable sont responsables de près de la moitié des ravages environnementaux mondiaux, soit 44% à 57 % des émissions de gaz à effets de serre. Qu’en est-il de l'industrie agro-alimentaire de Rigaud et ses environs ? Les agriculteurs sont sousreprésentés à l’échelle régionale et vivent de l’isolement social. En effet, 30 % des rigaudiens vivent seuls et les agriculteurs sont davantage isolés territorialement. Malgré leurs tentatives d’adaptation aux changements climatiques, la relève agricole est difficile à trouver: une crise agricole est imminente. Le commun comme créateur de cohésion sociale à Rigaud.

 

L’industrie agro-alimentaire fait indéniablement partie du problème. Fait-elle partie de la solution ? C’est ce qu’on remet en question. Comment assurer une autonomie alimentaire locale à Rigaud ? : Par une approche systémique pour un changement de paradigme vers une souveraineté alimentaire. Le système alimentaire actuel n’est pas soutenable et les populations en sont présentement dépendantes. Le projet d’architecture propose de se débarrasser de ce «middleman» qu’est l’industrie agro-alimentaire afin de favoriser une cohésion sociale et directe entre les agriculteurs locaux et les habitants de Rigaud. L’objectif majeur du projet d’architecture est de promouvoir et supporter une souveraineté alimentaire locale, soit « le droit des peuples à une alimentation saine et culturellement appropriée produite avec des méthodes durables, et le droit des peuples de définir leurs propres systèmes agricoles et alimentaires.» - La Via Campesina. Le projet Ô QUAI se veut porteur d’un fort sentiment d’appartenance, où ses membres sont solidaires et partagent des valeurs communes.

 

Rendez-vous Ô’QUAI!

En ce qui concerne le choix du site, il se porte à la rencontre des différents secteurs économiques de la ville, soit stratégiquement tout près du centre-ville de Rigaud, au sein du secteur de l’ancienne gare. Le projet se greffe au développement d’une nouvelle voie de circulation douce le long de l’ancien axe ferroviaire. Autrefois, le quai de l’ancienne gare représentait la porte d’entrée en ville. Le quai d’embarcation demeure emblématique et nous rappelle un passé effervescent. La revalorisation de la voie ferroviaire, ainsi que de la gare classée patrimoniale permet de recréer un lien physique et symbolique entre les terres agricoles et le développement central de Rigaud. Il s’agit également d’une opportunité de réinterpréter le patrimoine industriel et ferroviaire du 21e siècle.

 

Un programme fondé sur la souveraineté alimentaire

La programmation proposée met de l’avant l’objectif de souveraineté alimentaire par l’établissement de trois éléments de programme commun au sein du projet d’architecture. Le premier élément n’est nul autre que le quai. Il s’agit d’un événement architectural sur la promenade du parc linéaire: une véritable ré-interprétation contemporaine du fameux quai d’embarcation ferroviaire. Il a pour usage principal une place publique et marché éphémère, tel un seuil entre l’extérieur et l’intérieur de l’épicerie solidaire, le deuxième élément commun. Comme lieu d’échanges, la FARM & cie propose une offre alimentaire diversifiée et de qualité aux personnes ayant des difficultés économiques. L’épicerie est gérée en commun accord entre les bénéficiaires, les agriculteurs et les OBNL locaux. Son slogan ? “Une aide alimentaire qui n’en a pas l’air !” Ses activités sont majoritairement localisées dans l’ancienne gare, où les habitants continuent de voyager, à travers les saveurs du terroir et les traditions locales. Ce voyage nous amène au troisième lieu en prolongement de l’ancienne gare : le Sanctuaire Culinaire. Il s’agit d’un espace dédié à l’apprentissage de toutes les étapes d’un mode alimentaire souverain. On y découvre le caractère sacré des aliments, une bouchée à la fois. Le Sanctuaire abrite les bureaux de services en accompagnement par divers spécialistes du bien-être, toujours au soutien de la communauté. De plus, le projet Ô’QUAI se veut porteur d’initiatives sociales et environnementales. Par la réhabilitation du lieu emblématique qu’est l’ancienne gare, on rend à la communauté un lieu repère au centre-ville de Rigaud, dont l’impact rayonne jusqu’aux terres agricoles environnantes. Beau temps mauvais temps, il favorise les rencontres ainsi que la mobilisation citoyenne, par son emplacement clé lors de situations de crises et sinistres environnementaux.

 

Pour conclure, le projet Ô’QUAI adresse l’avenir de l’industrie agro-alimentaire de Rigaud en s’intéressant à l’enjeu d’insécurité alimentaire, mis en évidence par les changements climatiques et les injustices sociales. Ces événements nous amènent à se poser la question : Comment assurer une autonomie alimentaire locale à Rigaud ? La proposition pallie aux enjeux du système agroalimentaire actuel par la formation d'un nouveau système alimentaire local et souverain, qui prend place par la revitalisation de l’ancienne gare de Rigaud. Ce que le projet souhaite davantage explorer, c’est comment une ville comme Rigaud peut-elle tenter de devenir un modèle d’inclusion et de cohésion sociale entre ses habitants et ses agriculteurs ? Et comment le projet d’architecture peut accompagner les initiatives citoyennes vers un changement de paradigme alimentaire et souverain ?

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